Il existe des personnes sur Terre, qui valent mieux que n’importe qui. Des personnes qui vous regardent de haut car elles savent que vous n’êtes rien de plus que les autres. Pas comme eux. Vous n’êtes pas spéciaux. Vous n’êtes pas cette sublime rose que vous désirez tellement être. Il y a de nombreux dictons axés sur la volonté de l’humain, tel que « tant qu’on veut on peut. » Certes. Mais il y a une chose que vous ne pourrez jamais être. Vous pouvez vous donner tout le mal du monde, faire tous les efforts possibles. Vous n’arriverez jamais à m’égaler. La vie a fait de vous des individus identiques. Vous n’êtes ni blancs ni noirs, ni riches ni pauvres. Vous êtes tous les mêmes. Et individuellement vous n’êtes rien. Je suis tout. Tout ce vous n’avez jamais été. Tout ce que vous n’êtes pas. Et par-dessus le marché, tout ce que vous ne serez jamais. Je suis Inimitable.

Oui, je suis de ces gens qui peuvent être assis sous un réverbère et être bourré de classe. Je suis de ces ados pleines de fric qui ne pensent presque qu’à coucher, faire la fête, dépenser des millions. Je suis de ces personnes exécrables, de ces petites qu’on dit connes mais qui sont loin de l’être. De cette génération de débauche et de trash. Je suis de ces petits frimeurs qui rêvent d’alcool et de rock. De ceux qui veulent ressentir et avec la gueule en sang, je serais dotée d’un style inébranlable. Même en dégueulant à la sortie d’un bar huppé de Los Angeles, je respire l’élégance et la distinction. Je suis de la lignée « sex, drugs & rock’n roll. »

J’ai cet air fragile et innocent qui fait qu’on ne se méfie pas, mais ne vous y trompez pas, je suis la pire des garce, la salope qui fera tout pour coucher avec votre petit copain, et qui viendra se confesser avec des yeux larmoyant en l’accusant, lui. Histoire d’avoir le beau rôle. Je vous fais vous sentir spéciaux auprès de moi, pour que vous y restiez, même après un de ces fameux coups de putes dont j’ai le secret. Ils ne sont pas si horribles, avec le recul vous comprendrez qu’ils vous font prendre consciences de certaines choses.
J’ai la gorge massacrée par les clopes, mais ça ne m’empêche de vous parler d’une voix mielleuse, et ça ne vous empêche pas de faire semblant d’être convaincus par toutes mes conneries. Parce que vous voulez vous sentir autrement. Vous voulez sortir de vous-même. Et je peux vous y aider, avec mon fric à foison et ma vie de rêve.

C’était comme ça à Los Angeles, et ça le sera à La Nouvelle Salem. Il n’y a aucune raison, pour que ça plante. A vrai dire, dans votre trou paumé, vous êtes tellement éloignés de tout, qu’il y a encore plus de raison pour que ça marche. Je suis l’envie et la luxure en privé, et la retenue en publique. Vous buvez mes jolies phrases comme du petit lait, parce que je sais rendre élégant le mot « putain ». Je suis la vulgarité, je parle comme ça vient. A l’exaspération de mon aveugle de père, lui qui voit que je dérive, mais qui se voile si bien la face lorsqu’il s’agit de ma mère. Mais comment vous rendre à l’évidence ? Comment accepter le fait que vous avez épousé une connasse de première ?

Ma mère est une de ces femmes de 40 ans qui veulent en paraître 20. Elle s’injecte du botox, fait des UVs, se décolore les cheveux, et se maquille comme une voiture volée. Ses seins sont faux, son nez est refait, et je ne parle pas de ses lèvres. Elle ne vit que pour le fric, et ses huit paires de lunettes de soleil Dior. Elle me débecte, c’est un monstre. Je ne serais jamais comme elle, car je suis arrogante, orgueilleuse, présomptueuse. Je sais ce que je vaux, et j’ai conscience de ma beauté. Vous me direz que je lui ressemble plus que je le pense, de part ma façon de dilapider le fric avec négligence, et vous aurez raison.

Je n’ai jamais manqué de rien, et j’entends bien continuer même si la vie est une dégradation. Une simple et pure dégradation. La putréfaction, l’anéantissement. La vie c’est ce qui nous tue, ce qui nous brise. Et l’humain est tellement maso, qu’il continue à vivre, en sachant pertinemment que la majorité de sa vie, il aura mal. Mais les gens aiment la douleur, les calamités et les souffrances. C’est une façon pour eux de se faire plaindre, de sentir qu’ils sont bien vivants et que d’autres abrutis de la même espèce pensent à eux. Pourtant cette capacité à la mortification, aux difficultés et aux épreuves, n’est due principalement qu’à un seul facteur. L’amour. Cela réside dans l’incompréhension entre la tête et le cœur. L’une est raisonnable et réaliste, alors que l’autre ne veut jamais perdre espoir. Alors y en a certains qui se tailladent les veines, qui s’automutilent, parce que voir le sang couler ça les calmes. Pas moi. Rien ne me calme parce que je n’ai nullement le besoin de l’être. Je peux tout endurer et je ne râle pas comme une petite pimbêche. Vous ne m’entendrez jamais parlé de peine de cœur, je n’en ai pas eu. Je n’ai jamais aimé, et je n’aimerai probablement jamais. Car personne ne l’a fait pour moi. Ma mère se fout de moi, mon père n’était jamais là. Et moi j’ai toujours ce putain de besoin de ressentir. Mais vous ne m’entendrez jamais l’avouer à haute voix. Alors je fume, et je me saoule. Rien d’autre, pas de drogues, pas de coke, ni d’hero. Parce que je sais que je ne serais pas capable de revenir d’aussi loin.

A Los Angeles, les tentations sont difficiles à éviter, surtout dans le milieu du cinéma, dans lequel travaille mon père. Mais j’ai toujours su dire non. Je ne vais pas laisser une poudre ou une seringue me tester, moi, Anastassia Esfir Madero. Je ne laisse rien me contrôler. Pas mes parents, pas mes sentiments. Je m’autorise à me bourrer la gueule salement en soirées étudiantes, histoire de vivre un peu. Parce qu’à seize ans, il semblerait que j’ai déjà tout vécu. Le fric vous apporte trop, trop d’un coup. J’ai vu les plus beaux endroits du monde, rencontrer des stars, des acteurs, des peoples, des hommes politiques, j’ai été sur des plateaux de tournages et à tous les plus grands concerts de cette dernière décennies. Plus rien ne m’inspire d’envie.

Même pas déménager dans un trou paumé. Pourtant c’est du changement. Et c’était tellement jouissif de voir ma mère gueuler comme une tarée qu’elle allait demander le divorce, qu’elle ne voulait pas quitter Los Angeles. On aurait presque dit qu’elle n’était pas vraiment énervée : ses expressions faciales ne sont que moyennement au point depuis sa dernière injection de botox. Mais mon père a été catégorique, il a porté ses couilles, pour une fois. Ça nous ferait du bien à tous de quitter cette ville. Il a peut-être pas tort.