... It's a Beautiful Lie ...


Fin de l'année, l'ambiance était effervescente. Les compétitions sportives venaient de se finir, les gens comptaient les coupes et médailles alignées et faisaient déjà des pronostics pour l'année suivante, en comparant les performances sur la durée des nouvelles étoiles montantes des différents lycées. Les examens approchaient, ce qui n'était pas une mince affaire. Et, surtout, le bal de promo arrivait à grands pas, et il semblait que les filles n'avaient pas d'autre discussion en ce moment, même entre deux longueurs de bassin, ce qui avait le don d'arracher un sourire amusé à Lara avant de lui faire lever les yeux au ciel quand on lui demandait de quelle couleur serait sa robe, et surtout, avec qui elle s'y rendrait. Elle n'en avait pas la moindre traître idée, et s'en moquait comme de sa première paire de palmes. Pour tout dire, une soirée entre filles ou non lui conviendrait très bien. Elle avait vaguement entendu quelqu'un dire qu'un garçon de son année comptait l'inviter, mais elle ne s'affolait pas de ne pas avoir encore de demande. Après tout, ce n'était pas comme si elle était une de ces pimbêches persuadées que la vie ne valait d'être vécue qu'avec une langue au fond de sa gorge. Qu'on n'aille pas se faire de fausses idées, elle avait déjà eu un ou deux copains, mais rien qu'elle ait pris réellement au sérieux. Aussi sortit-elle finalement de l'eau un peu avant les autres, histoire de pouvoir se changer sans supporter leurs commérages de bas étage. Personne ne pensait à ce qui était réellement important: c'était leur dernier entraînement de leur capitaine, et l'année prochaine, il faudrait se battre pour obtenir sa place, ce qu'elle comptait bien faire. En passant devant elle d'ailleurs, elle lui accorda un grand sourire que sa rivale lui retourna du bout des lèvres.

Bonne chance pour la suite, Heather.

L'autre ne lui répondit même pas, se tournant de nouveau vers le bassin pour admirer prétendument les performances de celles qui restaient. Cela la rendait malade, d'imaginer Lara à sa place, et presque rien n'aurait pu lui faire plus plaisir. Ce fut donc de bonne humeur qu'elle se rhabilla, prévoyant déjà un plan d'entraînement pour cet été, qu'elle balança son sac sur son épaule et sortit des vestiaires. En poussant la porte, elle faillit percuter quelqu'un qui se trouvait juste derrière et s'arrêta à temps, surtout quand elle vit qu'il s'agissait de … Jimy ? Aka le meilleur ami de son voisin, ou encore le garçon le plus convoité du lycée, footballers sans cervelle exclus. Que pouvait-il bien faire ici ? Il voulait peut-être inviter Heather au Bal … quoique non, elle y allait avec son champion d'échecs de petit ami. Alors, il n'y avait qu'une autre explication possible : Si tu cherches Keith ... il est pas dans les vestiaires des filles ... enfin je crois ... ajouta-t-elle en levant un sourcil, imaginant le jeune homme se plaquant dans les casiers pour mater des filles se changeant en toute impunité. Eurk. Mais le jeune homme la détrompa rapidement:Je sais très bien où il est... mais c'est pas lui que je cherche... A vrai dire tu peux peut être m'aider...

Fronçant les sourcils, la jeune fille se dit que la conversation prenait un tour inattendu. Elle, l'aider ? Ils se connaissaient à peine, pour ne pas dire pas du tout, alors à moins qu'il ne veuille qu'il lui arrange un coup avec Sutton, ou une nageuse, elle ne voyait pas trop, et il y avait fort à parier que dans ce cas il se serait sans doute débrouillé tout seul comme un grand. Il avait pluôt une réputation solide auprès des filles, donc ne devait pas avoir trop ce problème. Intriguée, elle s'efforça néanmoins de rester parfaitement neutre, du style détaché, sa marque de fabrique: Ah ? Et bien ça dépend en quoi ... Le regardant s'appuyer au mur, elle se demanda ce qu'il avait en tête, surtout quand il attrapa une mèche mouillée de ses cheveux pour la glisser derrière son oreille. A quoi jouait-il ? Ses yeux suivirent sa main alors qu'il la mettait au-dessus de sa tête. Il allait tenter de la frapper ou bien … ? En fait je cherche une fille, d'à peu près cette taille... Ses yeux furent bientôt aveuglés par la main du jeune homme qui se posa devant eux: … avec des yeux de cette couleur, avant que celle -ci ne finisse par se poser doucement sur sa joue, arrachant un frisson à l'épiderme de la jeune fille qui porte le doux prénom de Lara... Tu vois qui c'est? Temps mort ! Etait-il bien en train de faire … ce qu'elle pensait qu'il était en train de faire ? Une action commençant comme une pièce de literie et finissant comme ce qu'il allait deven.../sbaf/ (pas de spoiler!)? Cela y ressemblait en tous cas. C'était pour le moins inattendu. Que Jimy, LE mec à avoir vienne la trouver elle … Toute autre fille se serait sans doute pâmée ou serait devenue hystérique mais fort heureusement, Lara n'était pas de cette trempe. Si elle était flattée quelque part, elle n'en montra rien, croisant les bras et avançant d'un pas, comme si des garçons venaient tous les jours l'attendre à la sortie des vestiaires pour lui caresser la joue et lui dire des mots doux sans en avoir l'air. Faisant mine de réfléchir, elle finit par déclarer : Je vois oui ... et que lui veux-tu ? En gros: quelle mouche t'a piqué ?

Il s'avança d'un pas, miroir de sa réaction, réduisant de façon croissante l'espace entre eux. Ses yeux se posèrent sur son torse. Essayait-il de l'intimider, ou de l'inonder de féromones pour qu'elle succombe rapidement ? Ce n'était pas comme si cela allait fonctionner, elle n'était pas une de ces bimbos qui … d'accord. Il était proche, un peu trop pour être honnête, même, et il y avait effectivement une sorte de tension entre eux.J'ai un ami qui aimerait bien aller au bal avec elle, mais il sait pas comment lui demander... Tu pourrais l'aider? Cette journée était décidément pleine de surprises, et Lara faillit paraître déconcertée. Mais elle ne laissa rien transparaître, et posa un doigt sur le torse de Jimy pour faire disparaître une peluche imaginaire, l'air parfaitement détaché. Tout ceci commençait à faire du chemin dans son esprit, mais il n'était pas question que ce soit trop facile. Et ce jeu qui s'ouvrait était d'autant plus attirant … Et bien … Disparition contrôlée de la peluche sus-évoquée. disons qu'il pourrait l'attendre à la sortie de son entraînement ... Lissage de la chemise là où elle l'avait à peine froissée lui faire des compliments de façon déguisée .... et s'il se montre un peu incisif et créatif, il y a toutes les chances qu'elle dise oui … conclut-elle finalement en revenant à ses yeux. C'était dit, c'était clair, concis, et ça lui plaisait, pour tout avouer. Il ne perdit pas de temps à méditer ce qu'elle venait de dire, prenait doucement sa main: S'il lui disait par exemple qu'il avait une chanson pour elle et que le soleil lui a été complice pendant qu'il écrivait, c'est pour tous ceux qui, comme elle, le font briller. Elle éclata de rire, un rire léger qui emplit soudain tout l'espace. Qu'était-il en train de dire ? Ce n'était plus de l'inattendu à ce niveau là, c'était quasiment de la science fiction, de lui dire des choses pareilles. Mais ça n'avait rien de désagréable, bien au contraire. Une fille sortit des vestiaires, elle la regarda passer tout en tirant très légèrement sur leurs mains pour se rapprocher jusqu'à ce qu'il n'y ait quasiment plus qu'un souffle d'air entre eux. Je dirais que c'est à la fois la chose la plus étrange et la plus chouette qu'on ne m'ait jamais dit ... Ce qui était parfaitement vrai. C'était nouveau, exotique, et incroyablement rafraichissant. Pour un peu, elle en aurait redemandé. Un peu de fantaisie apportée par ce jeune homme plutôt pas désagréable à regarder, même si ce n'était que pour une soirée, c'était plus que tentant. Ce serait donc oui …

Il eut l'air de se réveiller d'un songe, de façon à la fois suffisamment naturelle pour pouvoir paraître crédible deux secondes et assez théâtrale pour détromper et inonder la scène d'un humour dont il semblait plutôt bien pourvu: Tu dirais... Ciel m'aurais-tu trompé? Serais-tu la Lara tant convoitée? C'était un vrai clown, ce n'était pas permis. Elle dut reconnaître qu'il était plutôt doué, et sourit finalement franchement, perdant sa retenue la caractérisant pourtant. ça se pourrait bien en effet ... Il avait gagné, comme elle le constata de bonne grâce en se mordillant la lèvre. Il avait éveillé son intérêt, ce dont peu de jeunes hommes du coin pouvaient se vanter. Elle n'avait rien d'une nonne, mais avait des critères assez difficiles à satisfaire … puisqu'ils changeaient plutôt régulièrement. Il n'y en avait pas vraiment, au final, il suffisait de l'intriguer, de la charmer. Et on pouvait dire qu'il avait fait carton plein. Elle avait une folle envie de savoir s'il était aussi bon embrasseur que beau parleur, là, maintenant, tout de suite … c'était dire. Bon, tu m'embrasses ou tu veux attendre l'appareil à l'entrée du bal ? Il joua encore quelques secondes les ingénus, ce qui acheva l'impatience de la jeune fille. Je suis découvert alors? Le demi-sourire qu'il afficha titilla encore un peu plus ses nerfs, si cela était encore possible, et elle dut retenir un claquement de langue semi-agacé alors qu'il faisait durer le plaisir, sa main pourtant sur sa nuque, et ses lèvres touchant presque les siennes. Tu viens au bal avec moi alors? Elle allait le dévorer sur place, s'il continuait. Faussement lasse, elle répondit : Je t'ai déjà dit oui, il me semble ... non ? Et, sans plus de cérémonie, elle fondit littéralement sur ses lèvres, auquel il répondit exactement comme elle l'avait espéré: rien à redire, pour l'instant, il réalisait un sans faute. Finalement, il s'écarta, la laissant suffisamment essoufflée pour qu'elle puisse avouer humblement à quiconque qu'il embrassait effectivement divinement bien.

Je passe te prendre? Tout ceci n'était vraiment pas prévu au programme, mais Lara ne s'en plaignait pas. Finalement, il était bon de laisser une grande place à l'inconnu dans la vie, cela pouvait mener à des choses fort intéressantes … qu'il ne fallait pas laisser échapper. Mais plutôt les accueillir à bras ouverts. Huit heures ? proposa-t-elle, avant d'afficher un sourire énigmatique et quelque peu inquiétant: Méfie toi, mon père est armé ... Et elle s'en fut, sans autre forme de procès, alors que, derrière, Jimy répondait: Je vais devoir venir armé de mon plus beau sourire alors! Un léger sourire orna les lèvres de Lara. Contre son père, il allait avoir besoin de plus que son pourtant très craquant sourire ...




... Not that long ago ...



Les cours avaient repris depuis quelques temps déjà, et Lara commençait à intensifier les entraînements de l'équipe de natation. La saison allait bientôt commencer, et même si tout le monde râlait pour la forme en disant que c'était encore dans longtemps, il n'en restait pas moins vrai que tout le monde se plaignait pour la forme, mais pensait au fond la même chose qu'elle. Si elles voulaient gagner, il fallait qu'elle s'y mettent à fond. Alors elle rentrait plus tard le soir, quand elle ne voyait pas Jimy. Il était un peu fuyant ces derniers temps d'ailleurs, mais Lara prenait ça pour une simple réaction à sa dernière tentative d'aller jusqu'à la troisième base. Un jour, elle y arriverait, peut-être. Dans tous les cas, depuis que sa mère était revenue, plus particulièrement, elle n'avait pas spécialement envie de passer du temps à la maison. Les tête-à-tête avec son père lui manquaient. Aussi fut-elle surprise, ce soir-là, rentrant excessivement tard, de sentir en poussant la porte la délicieuse odeur d'une omelette à la pomme de terre, qui vint lui caresser doucement les narines. L'omelette aux pommes de terre, la spécialité incontestée de son paternel. Et quand sa mère était à la maison, il ne faisait pas la cuisine. A plus B donnant invariablement C, l'électron libre maternel devait être sortie pour on ne savait quelle présentation inutile sur la façon de coudre un sac à main. Laissant tomber le sien (mais de sport, pas à main), elle enjamba la Winchester de son père, posée négligemment dans l'entrée (enfin, à son humble avis, plus à l'attention de Jimy que négligemment) et se dirigea de la cuisine :

P'pa?
Ouaip soldat ! On est entre hommes ce soir!

Un sourire radieux illumina le visage de Lara lorsqu'elle déboucha dans la cuisine, où il était effectivement en train de s'activer aux fourneaux. Ça sentait l'oignon, le fromage, les lardons, la pomme de terre, c'était divin. Et surtout, surtout, il n'y avait qu'eux. Elle aurait volontiers partagé ce moment avec Zach mais … mais Zach n'était plus là. Il ne restait plus qu'eux, que son père appelait les hommes de la maison. Zach n'avait jamais souhaité apprendre à se servir d'une arme, alors que Lara avait atteint sa première canette avec la Winchester fétiche à ses huit ans. Quand on avait un père shérif, c'était la moindre des choses, aimait à plaisanter la jeune fille. Elle avait pris des réflexes impressionnants, au corps à corps, avec les armes. Son père lui avait toujours dit qu'il ne voulait pas qu'elle soit une de ces pimbêches écervelées et incapable de se défendre au cas où un alcoolique la trouve à son goût. Et elle lui avait plutôt fait honneur, il fallait bien l'avouer, apprenant rapidement aux garçons de la Nouvelle Salem qu'il valait mieux ne pas l'embêter. D'une détente, elle se percha sur le plan de travail, l'observant faire, sans proposer son aide, elle savait très bien que c'était sacré, pour lui comme pour elle. Ils restèrent en silence un long moment. Ils n'avaient guère besoin de mots entre eux. Finalement, elle se leva, et sortit de quoi mettre la table pour deux quand il parla : J'ai croisé le principal aujourd'hui. Pas de problème au niveau de tes notes ou de ton comportement m'a-t-on dit. Pas étonnant, j'ai eu de bons parents paraît-il, répondit-elle en finissant de remplir leurs verres d'eau. Whisky après le repas pour son père, pas de vin. Avec un sourire, il remarqua que: C'est plutôt vrai, on ne m'en a dit que du bien. Et ils commencèrent à manger, alimentant parfois la conversation d'anecdotes, lui sur son travail (shérif adjoint maintenant qu'il avait commencé à accepter de former des shérifs ailleurs aux Etats-Unis), elle sur le lycée, l'équipe de natation, se disputant gentiment à propos de Jimy, comme d'habitude. Enfin, pas exactement comme d'habitude.

Quelques petites choses comme un pianotement très léger et non régulier, mais suffisamment inhabituel pour la faire tiquer. Le fait qu'il avait remis du sel deux fois sur son plat, que sa paupière gauche avait tressauté deux ou trois fois au cours du repas. Tels étaient les tics nerveux d'Henry Eldeguard, que la demoiselle connaissait par coeur. Il n'était pas souvent nerveux, elle ne l'avait vu faire ça qu'avant cette énorme dispute avec Zach, ou encore quand il avait été convoqué pour la première fois par le chef des shérifs, ou quelque chose du style, elle n'avait pas très bien compris à l'époque pour lui proposer de devenir formateur sur toute l'Amérique. Des explications plutôt floues, sur lesquelles elle ne s'était jamais interrogée. Son père était instructeur, parce qu'il était le meilleur, tout simplement. Cependant, il était clair que là, quelque chose le troublait, l'embêtait, et qu'il allait sans doute lui en parler, se demandant probablement le meilleur moyen de le faire. Si c'était que sa mère repartait aussi vite et avec aussi peu de raisons, pour ne pas dire aucune comme elle était venue, ce n'était pas la peine de se donner autant de mal, elle ne pleurerait pas son départ. Ne souhaitant pas presser les choses, la jeune fille savoura son omelette, débarrassa la table, remplit le lave-vaisselle et le rejoignit au salon où elle lui servit son whisky. Ils se posèrent tous les deux dans leur énorme canapé, nouvellement acheté par sa mère, tout en cuir, pour lequel ils n'avaient ni l'un ni l'autre la moindre affection, préférant de loin leur vieux sofa défoncé qui avait été mis à l'article au grenier. Finalement, ils se laissèrent glisser au sol, regardant plus ou moins une vague série B sur la police ou le FBI ou peu importait. Ils ne regardaient pas vraiment, suivaient à moitié, sortirent un jeu de cartes pour une partie de poker à deux avec des règles bien à eux, quand, finalement:

Tu bluffes, Eldeguard. Oui … Et tu n'as pas idée à quel point, Lara. énonça son père avant de poser sa main foireuse, évidemment, sur la table basse, et de prendre son verre pour en descendre une longue lampée. Les sourcils de la jeune fille se froncèrent. Allait-elle enfin savoir ce qui le tracassait depuis le début de la soirée ? D'un ton totalement neutre, elle demanda: Et sur quoi bluffes-tu donc, P'pa ? A peu près tout, soldat. Depuis longtemps ... Intriguée, Lara ramena ses genoux contre elle, posant son menton sur eux, fixant l'homme qui avait visiblement d'importantes révélations à faire. De quoi parlait-il exactement ? Il finit son verre, s'en servit un autre, et alors qu'il l'amenait vers lui, prit finalement une inspiration : Mon travail … n'est pas ce qu'il semble être. Cette affirmation avait de quoi dérouter, et la jeune fille haussa finalement un sourcil, essayant de comprendre où il voulait en venir. Tu n'es pas assistant du shérif ? Y a ton bureau à l'office ... Si, je le suis. Mais il y a plus que ça. Comme une branche indépendante, celle qui m'envoie ailleurs. Pour les formations? Ce ne sont pas des formations. Complètement perdue, la demoiselle regardait son père avec un air sans doute des plus étranges. Il fallait la comprendre: son père, ça avait toujours été son monde, son pilier le plus stable sur lequel elle pouvait se reposer en toutes circonstances. Alors apprendre qu'apparemment il mentait, et en plus ne pas parvenir à en comprendre le moindre traître mot … Il y avait de quoi se taper la tête contre les murs. Henry dut sentir que cela perturbait sa fille car il enchaîna rapidement : Lara … Ce que je suis sur le point de te raconter va changer ta vision des choses, des gens, du monde en général. Et cela va sans doute influencer ta vie future. Mais surtout, avant toute chose, il faut que tu me promettes de ne pas parler de ceci. À qui que ce soit. C'est bien clair? Oui monsieur, répondit-elle mécaniquement. Elle attendait, en réalité. Elle n'y comprenait rien, et ne comprendrait rien tant qu'il ne lui aurait pas expliquer. Il n'y avait donc pas à tergiverser: il fallait qu'il parle pour qu'elle arrive à se faire une idée. Une opinion. Qu'elle ressente quelque chose. Car pour l'instant, il n'y avait pas grand chose. Et cela tomba, beaucoup plus rapidement et beaucoup plus franchement que ce à quoi elle s'était attendu :

La sorcellerie existe, Lara. La magie, si tu préfères. Certaines personnes sont nées avec le don de la manipuler. Les sorciers. Cependant, certains d'entre eux ont tendance à … y prendre un peu trop goût. Cela leur monte à la tête, et ils deviennent dangereux. Violents. Il faut alors les arrêter. Et c'est mon rôle. ... Lara ...? ... Lara? Dis quelque chose, tu commences à m'inquiéter. Je … que … quoi?! Enfin j'veux dire ... Elle fut soudain coupée par la sonnerie du portable de son paternel, qui le dégaina immédiatement. C'était celui sur lequel il recevait ses affectations pour les formations. Ou pas, visiblement. Elle n'avait jamais trouvé étrange, au final, qu'il parte au milieu de la nuit pour une formation. Qu'il s'absente longtemps, revienne avec quelques blessures de temps à autres … Ils faisaient du cas concret, il les aidait sur des affaires sensibles en cours, c'était pour ça qu'il devait s'en aller dès que ce portable sonnait … En regardant son père vérifier qui appelait, et étouffer un juron, lui dire qu'il devait absolument prendre cet appel, se relever et aller dans la pièce à côté, Lara sut qu'elle allait rester seule avec cette révélation pendant un temps appréciable. Comme sonnée, elle se releva, et se laissa tomber dans le canapé, mettant ses chaussettes pleines de poils sur le beau cuir de sa mère. D'ailleurs, elle était tellement sous le choc qu'elle ne reprit même pas Captain quand il sauta à ses côtés pour poser sa grosse tête poilue sur ses genoux. C'était … un choc. Mais vrai, sans le moindre doute. Parce qu'il l'avait dit. Et qu'il ne mentait jamais. Enfin … en fait, si. Mais … Zach, maman, les absences, les gens qui venaient lui rendre visite, un peu trop peu nets pour n'être vraiment que des flics à la retraite … Tout prenait place comme un puzzle virtuel sous les yeux de Lara. Elle n'avait même pas entendu son père entrer dans la pièce.

Lara … Il faut que j'y aille … Une urgence. D'accord, dit-elle simplement sans se retourner. Elle sentit ses mains se poser de part et d'autre de ses épaules, sur le canapé. Elle ne fit pas un mouvement. Je suis désolée, j'avais prévu de t'expliquer ça plus longuement, et surtout, de ne pas te laisser avec ça comme ça ... C'est bon P'pa. T'as pas le choix, je comprends. On voit ça quand tu rentres. Un soupir s'échappa des lèvres du paternel. C'était sa fille, un bon soldat, le dos droit, qui ne montrait pas ses émotions, ou qui de toute façon n'en ressentait qu'une infime partie que ce qu'une autre aurait ressenti. Appliquant une pression brève sur son épaule, il lui dit simplement: N'oublie pas tout ce que je t'ai appris, Lara. Tu es née pour ça. Et en attendant … fais attention. Elle hocha la tête, tournant son regard vers lui, mais il avait déjà tourné les talons, et passé la porte. Serrant un peu plus Captain contre elle, la jeune fille se retourna vers la télévision. Cela allait être … diablement long ...