Sujet: Nobody said it was easy. (pv) Sam 5 Nov 2011 - 0:28
Nobody said it was easy.
Il était tard, mais Stan n'y faisait jamais vraiment attention. Les yeux rivés sur l'écran, il revoyait en boucle des interventions chirurgicales en mangeant calmement des chips. Il était peut-être onze heures, peut-être qu'il était minuit, ou plus tard encore. De toute façon son grand-père dormait, et il n'entendrait pas la télévision quand bien même elle serait dans la pièce d'à côté. Stanley soupira doucement et s'étira, attrapant la télécommande à côté de lui pour zappait. Sur la quatre, on trouvait une émission basique ; une femme venait se plaindre d'être battue par son mari. Le sorcier eut un regard dédaigneux et se leva, faisant quelques pas rapides jusqu'à la machine pour finalement l'éteindre. Ses yeux vert métallique balayèrent autour de lui. Rien. Finalement il était vraiment seul. Il soupira, attrapa son téléphone et le fourra dans sa poche. Ses doigts cognèrent contre quelque chose dans cette dernière et il en sortit un paquet de Lucky Strike. Cigarette de pédé, disait souvent Neel, mais il n'y pouvait rien, c'était drôle comme nom de cigarette non ? C'était comme prendre un flingue et se le collait sur la tempe, en se disant « avec un peu de chance, je ne vais pas tomber sur l'unique balle qui est dans le barillet, avec un peu de chance, ça va tomber sur n'importe qui, sauf moi ». Il fallait cependant bien se douter qu'un jour la balle allait lui traverser la tempe et décorer la chambre d'un beau rose vif. La graisse s'incrusterait dans la tapisserie, et son grand-père devrait tout nettoyer à l'eau froide.
Il fixa ses cigarettes, et eut un sourire, roulant des yeux un instant, pour finalement sortir en silence de sa chambre. La porte de la chambre de son grand-père était fermé, mais un fin rayon de lumière filtrait encore de sous la porte. Bien. Il fit quelques pas, descendit les marches du premier étage et sortit par la porte de la cuisine qui donnait sur l'arrière de la maison. Il bailla, tapota de nouveau ses poches et en sortit cette fois-ci un briquet tout en faisant le tour de la baraque. Une clope accrochée aux lèvres, il fit jaillir une flamme rouge dans l'obscurité de la nuit. Au loin un lampadaire éclairé jusqu'à eux, mais pas encore bien assez pour que Stan ne remarque la silhouette qui attendait dans le jardin d'à côté. Il fallut qu'il s'assoit sur la balançoire de leur jardin, unique archive de son enfance encore debout, pour qu'il comprenne que quelqu'un attendait, là, debout, sans rien.
Le kosovar posa ses yeux vert pâle sur lui, leva la main et décrocha de ses lèvres sa cigarette. Une volute de fumée en sortit, comme elle serait sortit de la gueule d'un dragon puissant. Sa langue passa sur ses lèvres, les humecta, alors qu'il se décidait enfin à parler, quand bien même son voisin l'avait sans doute déjà vu.
Un humain... Clyde n'était qu'un humain. Et pourtant, à la seconde même où Stanley croisa son regard, un mélange de détresse et de peine, ça lui fit mal, quelque part, à l'intérieur. Un petit mal piquant, comme une pointe au cœur. Sa clope aux lèvres, il resta silencieux, le fixant, assis sur sa balançoire grinçante. C'était sa place, à lui. Il venait ici tous les soirs. Combien y avait-il de chance que Clyde ne s'en soit jamais rendu compte ? Combien y avait-il de chance qu'il ne se soit pas planté là exprès pour le croiser ce soir-là exactement ? Non. Plus loin que ça.
Pourquoi est-ce qu'il était là ?
Dernière édition par V. Stanley Blackbird le Sam 5 Nov 2011 - 1:58, édité 1 fois
Sujet: Re: Nobody said it was easy. (pv) Sam 5 Nov 2011 - 1:54
I will spend eternity Debriefing, debriefing, debriefing.
Replaçant le coussin de velours sous la tête de sa sœur endormie, Clyde eut un sourire lointain, amer. Il éteignit le poste de télévision puis se baissa pour ramasser un centième t-shirt sale laissé en plan dans la salle de séjour, tout près d’une pile de vieilles boîtes de pizzas qu’il s’apprêtait également à jeter. Cela faisait plusieurs jours que la maison semblait se décomposer, se noyer dans le désordre. Pour tout dire, l’ordre n’était pas la principale préoccupation de ses habitants, récemment meurtris par la perte d’une des leurs. Le pilier de leurs existences s’était lamentablement effondré, emportant avec elle les fondations de leurs vies. Abbie Walcott s’était éteinte dignement mais avant laissé derrière elle deux orphelins, encore vierges de tout ce que l’expérience de la solitude peut enseigner. Ils pleuraient à présent leur confort volé, violés par la mort à son apogée. Celle-ci les avait laissés interdits, les avait affaiblis, mais ne les avait que partiellement engloutis. Elle s’y était prise avec ruse, laissant le sang dans leurs veines s’imprégner lentement de ce poison du manque maternel.
Clyde s’apprêta de nouveau à courber son dos pour se baisser, mais un violent spasme le prit et le fit défaillir un court moment. Revenant à lui suite à plusieurs secondes d’inconscience, il se couvrit d’abord la bouche de la main droite et ravala tant bien que mal ses larmes. Ses yeux demeuraient pourtant rouges, chauds et humides, déversant un flot sur ses joues grossièrement empourprées. La douleur était là, elle se terrait au fond de sa poitrine et à l’instar d’un vers affamé : elle le dévorait de l’intérieur, le laissait se tordre dans son agonie. Mais il fallait se contenir, encore et toujours. Il savait pertinemment qu'Emma se réveillerait en sursaut s’il osait faire le moindre bruit, et qu’elle serait à son tour bouleversée par un millier de préoccupations nouvelles. L’observant dans son sommeil, il tâcha de ne pas penser aux terribles images qui coloraient probablement ses rêves. Un rapide coup d’œil à l’horloge ; une heure et quart. Il poussa un long soupir tout en détachant ses doigts de ses lèvres sèches et tremblantes. Il avait cessé ses pleurs mais quelques larmes étaient venues mourir aux coins de ces dernières, juste assez pour le convaincre qu’il était temps de sortir de la demeure de feu sa grand-mère. Maladroitement, il sortit d’un tiroir un paquet de cigarettes et en laissa tomber une dizaine avant de parvenir à en saisir une. Il l’alluma à la hâte et sortit dans la cour extérieure, traînant derrière lui un lourd sac-poubelle qu’il balança finalement dans la benne à ordures avec une nonchalance inhabituelle. C’était ses remords qu’il souhaitait jeter, pas juste du carton moisi et quelques bouteilles de bière.
Tout en s’asseyant sur les marches en pierre du perron, il essuya du bout de ses doigts les dernières larmes qui perlaient ses cils avant de poser son regard sur son voisin. « Sa… Salut, Stan. » Il fit de son mieux pour lui lancer un sourire mais il lui offrit une étrange grimace. « Je crois qu’on peut dire que le déluge est passé, main, mainten… » Un spasme l’ébranla de plus belle, compressant son estomac d’une main de fer, l’empêchant d’ajouter quoique ce soit. Et tandis qu’il se murait encore dans le mutisme le plus total, quelques lignes vinrent froncer son front et agrandir son regard. Il reporta sa main sur sa bouche et étouffa un ultime cri de désespoir. Enfin, il secoua brièvement la tête et redécouvrit son visage. « Ça a pas dû être facile de se retrouver seul avec ton grand-père... heureusement que t'es… Comme lui. »
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Sujet: Re: Nobody said it was easy. (pv) Lun 7 Nov 2011 - 23:29
Les yeux du jeune homme suivirent le mouvement de son ami, et il se pinça les lèvres en se disant que quelque chose clochait. Bien sûr Stanley était trop loin pour ne serais-ce que voir les larmes sur les joues de son ami ou la couleur des yeux gonflés par les larmes. Tout ce qu'il voyait d'ici, c'était un garçon, assis sur les marches de sa maison, qui essuyaient quelque chose de ses yeux. Le serbe pencha la tête, le grincement strident de la balançoire trop vielle comblant le silence et le vide qui s'était immiscé entre eux. Clyde n'était pas revenu depuis longtemps, mais il était clair que ça n'avait pas été de grès qu'il était revenu. Après tout, personne n'aimait à perdre une personne chère – ça Vuk le savait très bien. « Sa… Salut, Stan. » Il comprit, rien qu'au simple fait de sa respiration. Le serbe ne se leva pourtant pas, son visage se figeant dans une expression de surprise et de panique. Il n'avait su faire face aux sentiments des autres que par l'indifférence et le cynisme. Mais cet fois, c'était différent. C'était Clyde. Et Stanley aurait tout donné pour qu'un seul instant, si infime fût-il, il cesse de pleurer. Lui aussi était passé par là, pas par les pleurs, mais par ce sentiment de vide et de perte. Quand il avait compris qu'il ne reverrait plus jamais ses parents, il avait passé une très longue semaine dans un mutisme complet, s'accrochant à l'espoir que tout ça était faux, que ça ne pouvait, en aucun cas, être vrai. Son père et sa mère n'avaient pas pu mourir comme ça. Puis en fin de compte, les jours passant, ses parents n'auraient jamais pu l'abandonner, alors il s'était tout juste dit que... que tout ça était réel. Triste, mais réel.
« Je crois qu’on peut dire que le déluge est passé, main, mainten… » Stanley baissa les yeux en comprenant ce qui se tramer. En temps normal, il ne serait pas rester, il aurait fuit, parce que ce n'était pas ses affaires et qu'un humain n'était pas son soucis par dessus tout. Mais ce n'était juste « un » humain ; c'était Clyde, alors tout changer. Il soupira doucement et se leva, la balançoire grinçant, l'étrange pendule allant et venant dans les airs jusqu'à s'arrêter entièrement. Clyde. Clyde Clapton. Son voisin, son ami. Son humain de compagnie, comme le raillait souvent Neel. Il fit quelques pas, en quelques secondes à peine, et s'arrêta là, juste devant lui. Pas proche, mais pas éloigné. La cigarette au bord des lèvres, les yeux clairs le fixant à la lumière de l'embout de braise rougie. Ses vilaines larmes rendaient bien laid le visage pourtant lisse de Clyde. Le jeune homme n'était pas ce que l'on pouvait appeler un concentré de beauté. D'ailleurs, Stanley ne savait même pas si Clyde avait jamais pu attiré une seule fille avec son physique ; son charme ne pouvait que résider ailleurs. Il pencha doucement la tête, voyant le jeune homme découvrir son visage, en observant le moindre mouvement, le moindre spasme, sans un mot. La cendre tomba de sa cigarette, voletant au vent.
« Ça a pas dû être facile de se retrouver seul avec ton grand-père... heureusement que t'es… Comme lui. » Stanley le fixa, d'un air morose. Heureusement ? Ça n'avait pas été de chance pour aucun des deux. Le serbe leva doucement la main et posa sa paume sur la joue de Clyde, appuyant lentement pour en chasser les dernières larmes qui la mouiller, dans un calme olympien. Pas froid, non, mais pas chaud non plus. « Hey, t'es pas tout seul Clyde... T'as Emma, puis j'suis là moi. Je sais que c'est dur, que c'est très dur même, mais c'est le cours des choses. » Il le regarda, soupira, et finalement retira la cigarette de ses lèvres, l'écrasant un instant, avant de se pencher en avant et le prendre dans ses bras, l'enlaçant. C'était peut-être un humain, mais il ne sentait pas la vermine. Il sentait la peine à plein nez. Stanley lui caressa le dos, comme pour le calmer. « Ça va aller, tu vas voir. On apprends à vivre avec, c'est qu'une question de temps. Si tu veux pleurer, pleurs. Vaut mieux que ça soit dehors que dedans, d'accord ? Sinon ça va te ronger et tu vas tomber dingue, allez, c'est cool. »
Si Neel était là, pour sûr qu'il lui botterait le cul et l'engueulerait de son comportement, mais merde. On ne laisse pas un ami dans la merde, c'est tout. C'était comme ça qu'il avait grandi, au Kosovo, à veiller les uns sur les autres, dans cette cohésion familiale de survie. Elle n'avait pas servi à grand chose dans le cas de Noot et Arslan, mais au moins elle lui avait sauvé la vie, à lui. « Rien est jamais facile, Clyde. Quand j'étais mioche, mon grand-père me disait de regarder le ciel et de me dire que chaque étoile était une nouvelle âme morte, et que si j'en doutais, alors je doutais de mes parents même. Je suis persuadé aujourd'hui qu'ils sont quelque part dans les étoiles, et qu'ils me guideront vers la voie qu'il faut. Je suis sûr que ta grand-mère est encore quelque part, pour Emma et pour toi, tu vois... » Que dire de plus ? Que la mort était inévitable ? Qu'elle était vieille ? Trop dure, la vérité, de la bouche du passant. « Le déluge n'est pas passé. Il te reste encore les plages à reconstruire maintenant. » Il le sert un peu plus contre lui, un instant, puis le relâche, ses yeux cherchant alors les siens.
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