« Dante, quand même, tu devrais faire quelque chose de ta vie, tu peux pas continuer comme ça. »
« Dis-moi, pétasse, tu te prends pour ma conseillère d'orientation ou ma mère ? Mais elles au moins, elles sont jolies. »
« Franchement t'es trop méchant, j'essaie juste de t'aider. »
« Et bien m'aide pas si c'est comme ça. »
Dante s'éloigne brusquement de cette fille qui lui parle et qui croit le connaitre suffisamment pour lui donner des leçons. Elle doit vouloir se le taper mais lui, il n'est pas du genre à vouloir se faire tout ce qui bouge, il essaie d'avoir un peu plus d'esprit que ça. Pourtant l'esprit c'est ce qui va lui manquer dans deux minutes.
Dante il a un nom magnifique à ce qu'il parait, mais la seul chose qu'il partage avec l'illustre poète, c'est la visite aux enfers, fantasmée ou non. Il se dirige vers un coin tranquille derrière le lycée où il pourra s'en rouler une tranquille et sécher le reste de la journée.
Franchement pour le fils de la prof de Littérature, ça craint. Mais il s'en fout. Il ne sait pas où il va, mais il y va. Le trou du cul du monde si ça se trouve.
Des heures plus tard, une voix le réveille alors qu'il s'était endormi comme un chien sur un banc.
« Dante, t'abuses. »
Mais cette voix, ce n'est plus celle d'une vulgaire pétasse. Cette voix il veut bien l'écouter. Enfin, pour l'instant il grogne.
« Ecoute mec, t'es dans une mauvaise passe, je sais. Je sais pas pourquoi t'es comme ça, et je veux pas savoir si tu veux pas me dire. Mais faut que tu te resaisisse vieux frère. »
Dante se décide enfin à se relever, à s'asseoir sur le banc. Il a l'esprit encore embué, et espère que son frère ne saura jamais ce qu'il vient de faire. Ce n'est pas qu'il ne lui dit rien, c'est plutot qu'il en a honte, et personne, même son frère ne peut comprendre pourquoi il s'est jeté dans cette rébellion foireuse de jeunes.
« T'as peut-être raison. »
C'est la première fois que son frère lui parle ainsi, et ça marche comme une désintox. Il faut croire qu'il n'attendait que ça, que Byron revienne lui mettre les points sur les i.
« Allez bouge-toi, Papa a dit qu'il voulait nous montrer un truc. »
« J'espère que c'est pas encore une tête de cerf empaillée... »
« Non, il a dit que ce serait, je cite "cool". Je demande à voir. »
Dante hoche les épaules. Après tout, voyons voir, ça ne pas être pire que de dormir sur un banc et de foirer sa vie.


« Bonnie, Bonnie... Shhh. Tout ira bien, ma jolie. »
Dante passe un chiffon humide sur le front en sueur de Bonnie, accompagnant le tout d'un sourire.
« Du calme, ne te débats pas comme ça, je ne vais pas te faire de mal. Tiens, je vais t'enlever ça, on pourra discuter tranquillement. Faire connaissance, tout ça, comme des gens civilisés, ce n'est pas ce que tu voulais Bonnie-chérie ? »
Dante détache doucement le tissu qui baillonne la bouche de Bonnie. Les lèvres enfin libres, elle lui crache au visage.
« Voyons Bonnie, ce ne sont pas des manières. Il s'essuie le visage. Enfin, ce n'est pas ta faute, c'est dans ta nature. Quoique, c'est peut-être un peu ta faute, non ? Non ? Réponds moi Bonnie, j'essaie juste de faire la conversation. »
« J'ai pas choisi, je suis née comme ça. Qu'est-ce que tu vas me faire maintenant, hein, qu'est-ce que tu vas me faire ?! »
« Hey du calme, pas la peine de t'exciter, pas la peine d'avoir peur de moi non plus. Je ne vais rien te faire. »
« Rien ? Alors pourquoi j'ai été enlevée, pourquoi je suis ligotée ? »
« Je vois qu'on est maline, ma petite Bonnie. Mais ne joue pas à ce jeu là. Moi je suis le gentil, mais... tu devrais te méfier de mon frère. Il ne rigole pas non plus avec les choses qui ont trait à la magie. Et tout compte fait... moi non plus. »
Avec un grand sourire presque carnassier, Dante montre à Bonnie le verre dans lequel il a rassemblé tout ce qu'il faut pour faire bruler une sorcière.
« Mais toi... je t'aime bien Bonnie, alors, peut-être que je ne te ferais rien. D'ailleurs ce n'est pas ce que tu voulais, que je t'aime bien ? »
Il s'approche de son visage, tout près de son visage, qu'elle puisse sentir son souffle.
« Je... Je ne voulais pas faire de mal. Ce... ce n'est pas de la magie noire, non ? »
« Oh si, essayer de manipuler l'esprit de quelqu'un c'est de la magie noire, même si on le cache sous une pomme d'amour. »
« Je... je voulais juste que tu me remarques que... tu... m'aimes... »
« Moi je ne fais pas ces choses là. Et puis même, on ne fait pas comme ça, il faut parler au gens, pas leur faire boire des philtres d'amour. »
« Justement je croyais que c'était la seule chose qui pourrait marcher avec toi. »
« Mais tu vois, ça n'a pas marché. Je pense qu'il faudrait déjà que j'aie un coeur, et ça n'a pas été prouvé. »
Bonnie commence à pleurer, à torrents, coeur brisé, pression, crainte, ou... peut-être préfigure-t'elle déjà ce qui va lui arriver.
« Oh, ne pleure pas trésor, tout ça, ça ne vaut pas la peine de pleurer, tu sais bien. En même temps, si tu m'écoutes, rien ne vaut la peine de pleurer. Je préfère... faire l'autruche en fait, ou descendre aux enfers. Après tout je ne m'appelle aps Dante pour rien. Tu t'en fous de ce que je raconte ? Tant pis, je me sens de te raconter la vie, tu seras peut-être la première personne à tout savoir, sois-en honorée Bonnie. Je ne sais même pas par où commencer. On peut pas dire que j'ai eu une mauvaise vie. J'ai des parents, j'ai un frère, une vie plutôt bien. Y a juste eu comme quelque chose qui manquait. Enfin, je ne sais pas, j'étais petit, et je voyais mon grand frère qui avait toujours tout mieux que moi, la classe, les responsabilités, les filles. Je voulais être comme lui mais... ça marchait pas. Je me sentais comme une petite merde. Alors j'ai fini par devenir une petite merde. Je me suis mis à boire, me droguer, dealer, tous ces trucs d'ados qui se rebellent contre le système ou quoi. Mon cul, ouais, c'est juste pour se foutre la tête dans le sable. Et tu sais ce qui m'a sauvé ? Byron ! Et oui, ironie de la chose. C'est quand il m'a foutu une claque en pleine face que j'ai décidé de passer à autre chose. Enfin, c'est pas vraiment lui qui m'a sauvé en fait. Ma meilleure désintox ça a été ce que mon père nous a appris. Notre héritage familial : la chasse aux sorcières. Oui tu avais bien compris, on est là pour s'assurer que les gens dans ton genre ne fasse pas de mal aux gens normaux. Vous êtes de la vermine, et qu'est-ce qu'on fait de la vermine, on la brûle. »
Dante craque une allumette, devant les yeux de Bonnie qui tremble de tout son corps, mais s'en sert pour s'allumer une cigarette.
« Désolé de t'avoir embêté avec mes états d'âmes, tu n'avais pas à entendre ça. QU'est-ce que tu peux dire, qu'est-ce que tu peux y faire, c'est vrai ? »
« Je... peux... peut-être... t'aider ? »
Dante fronce les sourcils avant d'afficher un sourire amusé.
« M'aider ? Depuis quand tu veux aider les gens ? Et surtout moi, pourquoi tu m'aiderais ? Je t'ai ligoté ici rappelle toi. Ravale ton syndrôme de Stockholm et souviens-toi que je ne fais pas affaire avec les gens dans ton genre. »
Dante dégaine le couteau qu'il avait à la ceinture et l'approche dangereusement de Bonnie.
« J'espère en tout cas, que tu as bien compris la leçon. on ne joue pas avec l'esprit des autres, avec le coeur des autres - enfin d'abord on s'assure qu'ils en ont un -, sinon on finit sur un bucher. »
Dante tient le couteau maintenant contre sa joue, et sa lame bien affutée fait couler quelques gouttes de sang.
« Mais bon, considérant que tu n'as même pas réussi... tu peux bien avoir une seconde chance. »
Un sourire de soulagement se dessine sur le visage de Bonnie.
« Oh non, maintenant Bonnie, tu ne vas quand même pas te faire dessus ou mouiller, ce serait vraiment de mauvais gout. »
Dante se lève, et dépose le couteau taché de sang et la boite d'allumette sur une table à côté du verre à sorcière. Avant de quitter la cave, il jette un dernier sourire à Bonnie. La fin d'un cauchemar ? Attendez-voir Byron qui se la ramène.

« Dante... Reviens dans le lit... »
« Désolé beauté, mais ce que j'ai eu hier soir m'a suffit. Très bien, tu n'as rien à te reprocher, mais ce sera tout pour moi. Je t'invite à débarrasser le plancher. »
« Dante, pourquoi t'es obligé d'être un connard sans nom ? »
La jeune fille qui vient de partager son lit râle un bon coup et se lève pour se rhabiller et quitte la chambre sans même que Dante, occupé dans la salle de bain, ne lui jette un regard.
Enfilant un jean, il se regarde un instant dans le miroir, n'espérant pas voir les remords de sa conscience lui sauter et visage et lui faire courir pour ratrapper une pauvre fille abandonnée, sorcière en plus il l'a compris. Et en effet, ce ne sont pas des remords qu'il croise, mais le regard blasé d'une adolescente, enfin, d'une poupée, à peine bonne à se brosser les cheveux toute la journée. Pas vraiment gêné de se montrer torse nu face à elle, ou qu'elle découvre ses activités nocturnes, il ne se retourne même pas vers elle.
« Qu'est-ce que tu veux Charl' ? »
« Oh rien, ne fait pas attention à moi. Mais si tu continues à faire du tapage toute la nuit, je vais finir par porter plainte. »
« C'est quoi ton problème Charley ? Il se retourne vers elle, enfin. Franchement tu devrais trouver un mec pour te sauter et arrêter de minauder comme une pucelle esseulée. »
Un peu choquée quelques secondes, l'adolescente retrouve bien vite son air impassible.
« Ce que je fais de mon entrejambe, c'est pas tes affaires. Et ce le sera jamais. Parce que tu me sauteras jamais comme l'une de tes pétasses d'un soir. »
« Hey, doucement, je te rappelle qu'on vit sous le même toit. »
« C'est toi qui a commencé avec les insultes, tête de bite. »
Dante grogne en guise de réponse. Pas commode cette gamine, même s'il a beau la connaitre depuis... qu'elle est toute petite. Et pourtant il n'a jamais brisé le mystère de ce visage insensible, figé comme dans la porcelaine d'une poupée.
« Bon, si t'as fini de squatter ma chambre - tu n'as vraiment rien de mieux à faire ? - il faut que j'aille travailler. Et oui il y en a qui ont besoin de travailler dans ce monde. »
« Si faire des cocktails et draguer des meufs t'appelle ça travailler, qu'est-ce qu'elle est dure ta vie. »
« Charley, avec tout le respect que je dois à une jolie jeune fille comme toi : va te faire foutre. »