N.B. : Je tiens à signaler d’avance que l’histoire peut choquer les âmes les plus sensibles et contient des passages à caractère érotique, violent et immoral. Vous êtes prévenus, je me défais donc de toute responsabilité quelconque. :-)




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▬ Leurs parents sont décédés dans un accident de voiture. Ils ne veulent absolument pas être séparés. Il est rare pour nous d’exiger une telle requête, mais le petit semble complètement déboussolé sans son aîné.

Le directeur de l’orphelinat se laissa basculer légèrement en arrière sur son siège, croisant les mains en observant le couple en face de lui. Ce qu’il n’avouait pas, c’était qu’il voulait absolument se débarrasser de ces deux petites terreurs. L’un se donnait un malin plaisir à torturer les animaux tandis que l’autre s’évertuait à ligoter et frapper ses camarades de chambrée. Jamais le directeur n’avait eu à assister à de telles atrocités. Un vent de panique soufflait dans les rangs de l’orphelinat lorsqu’il s’agissait de s’occuper des enfants Hewitt. Quand l’occasion se présenta, le vieil homme se précipita pour pré-remplir les dossiers de sortie. Ces enfants devaient être placés, coûte que coûte.

▬ Ils ne sont pas turbulents, j’espère ? Loin de moi l’idée de les juger, mais vous savez ce que c’est… Perdre ses parents doit être une épreuve atrocement difficile. Dieu seul sait ce qu’il leur passe par la tête à cet âge.
▬ N’ayez crainte, Madame. Ce sont très certainement les deux enfants les plus sages et les plus serviables qui soient. Les nurses sont d’ailleurs extrêmement attristées de les voir partir. Nous étions tous très attachés à eux, vous savez.
▬ Quand pouvons-nous les emmener chez nous ?

Un sourire forcé étira les lèvres desséchées du directeur. Le couple signa sans rechigner les dossiers d’adoption, fier de ramener deux têtes juvéniles dans leur sobre foyer. Aux fenêtres du château, l’on pouvait apercevoir les femmes de ménage, les cuisiniers, les professeurs, les orphelins et le reste du personnel. Tous souriaient, feintant la tristesse avec leurs mouchoirs blancs dans leurs mains. Seulement, lorsqu’ils furent assurés que la voiture qui avait emmené les garçons Hewitt s’était bel et bien éloignée, ils laissèrent éclater leur joie, leurs cris d’euphorie retentissant à travers toute la demeure.

À l’arrière de la voiture, les deux garçons observaient le paysage. Tout était silencieux. La mère ne cessait d’essuyer son visage de son mouchoir en soie. Elle était heureuse; elle qui n’avait jamais eu la chance de pouvoir enfanter, elle allait ramener deux jolis minois chez elle. Elle allait enfin fonder une famille. À ses côtés, conduisant sereinement la voiture, son mari avait posé une main réconfortante sur sa cuisse. Tout cet amour étranger écœura Gwendhal au plus haut point. Ébouriffant d’un geste sa chevelure rousse, il se laissa aller sur la banquette, posant sa tête contre le cuir. Lloyd ne cessait de le fixer. Âgés de onze et douze ans, ils étaient déjà bien trop rusés et machiavéliques. Le petit brun laissa glisser sa main vers la cuisse de son frère dans un sourire entendu. Gwendhal ne bougea pas d’un pouce, observant leurs nouveaux parents dans le rétroviseur. Lloyd s’amusa à caresser Gwendhal, les yeux rivés vers les lèvres de son cadet. D’un geste vif, le roux attrapa sans ménagement la main de son frangin et la plaqua contre sa propre entrejambe. Ils se mirent à sourire étrangement, avant de cesser leurs attouchements au moment où la jeune femme jeta un œil dans le rétroviseur. Lloyd reporta son regard vers le paysage, Gwendhal fit de même. Tout restait silencieux.





▬ Gwendhal, NON !

Trop tard. Le chiot était allongé là, inerte, gisant sur l’herbe mouillé. Le rouquin avait une main tendu, les doigts crispés, le visage étrangement serein, ses cheveux virevoltant au rythme effréné du vent qui soufflait d’une violence sans pareille. Quelques minutes auparavant, le fidèle compagnon était encore vif et en pleine santé. Gabrielle se rua sur son fils adoptif, l'attrapant et le tirant en arrière par les aisselles. L'enfant manqua de tomber mais ne résista point. Ses yeux verts innocents étaient fixés sur le pauvre animal.

▬ Qu’as-tu fait ?!

Elle semblait apeurée, tremblotante d’effroi, son regard pétrifié rivé vers le visage du garçon. Elle tâcha d’apercevoir une réponse dans l’étrange lueur de ses yeux verts. Elle était déconcertée, passant et repassant sa main devant les yeux de son fils, comme pour le faire revenir parmi les vivants. Il était absent, immobile, et sa respiration était calme. Gabrielle hurla, ameutant son mari. Elle posa une oreille contre le petit torse. Rien d’anormal. Elle qui était infirmière, elle n’avait jamais vu une transe pareille. Quelques minutes plus tard, alors que les parents s’évertuaient à comprendre ce qui s’était passé, Gwendhal détourna les talons, remontant lentement l’allée vers la maison. La jeune femme l’observa s’éloigner, profondément choquée. Quand la porte du foyer familial se referma doucement derrière l’enfant, le père, après s'être muni d'un linceul improvisé, recouvrit le pauvre chiot. Il était petit et il n'eut aucun mal à le porter dans ses bras. Il l'éloigna autant que possible de la maison en attendant que quelqu'un puisse l'enterrer. Refaisant le chemin inverse, il revint auprès de sa femme qui tâchait de d’éponger ses yeux gonflés et rougis. Il l’enlaça contre elle, tentant de la calmer, avant de passer un bras autour de ses épaules pour l’emmener à l’intérieur. La nuit commençait doucement à recouvrir les plaines de son voile noir.

Dans le salon, Gwendhal et Lloyd avaient les mains tendues vers les braises de la cheminée pour se réchauffer. Les flammes dansaient et crépitaient tandis qu’un silence de plomb s’installa peu à peu. Gabrielle monta à l’étage. Seul restait le père. Il se laissa tomber dans son fauteuil en velours, posant ses mains sur les accoudoirs. Il cherchait comment aborder la discussion sans faire fuir le garçon. Mais avant même qu’il eut le temps d’ouvrir la bouche, Gwendhal s’était retourné, le fixant de son regard déterminé et sans remords.

▬ C’était mal. Mais je l’ai fait exprès.

Lloyd, l’aîné, prit la main de son frère et ils montèrent tous deux dans leur chambre. Tombant des nues face à cette situation grotesque, le père ne sut que répondre. Un nouveau silence s’installa alors, plongeant l’homme dans une profonde réflexion. Pour la énième fois, il se demanda si cette adoption avait été une bonne idée.






▬ Fais-le, bordel ! Fustigeai Gwendhal dans une excitation non dissimulée.

Seize et dix-sept ans. Les deux garçons en pleine fleur de l’âge. Gwendhal et Lloyd s’employaient à jouer dangereusement, se lançant dans une relation totalement interdite. Lloyd tenait dans sa main droite un petit outil métallique à la lame tranchante, tandis que Gwendhal était allongé sur le dos, à même le sol. Il était complètement nu, laissant apercevoir ses formes juvéniles et en pleine croissance. Lloyd lâcha grossièrement son scalpel, ne pouvant résister à la tentation d’explorer cette nudité fraternelle. Ses mains bravèrent les interdits et se mirent à parcourir ce corps familier, ses yeux savourant ce spectacle des plus immoraux. La respiration de Gwendhal devenait de plus en plus saccadée à mesure que son frère s’évertuait à le caresser dans les moindres recoins, passant dans des endroits où personne n’aurait imaginé ne serait-ce que poser un regard. Bientôt, Lloyd joignit sa langue aux mains. Le rouquin se cambra tandis que son tortionnaire commençait à devenir un peu plus violent à chaque caresse. Ces caresses puissantes tranchaient avec la légèreté et la douceur humide des mouvements de sa langue sur son bas-ventre. Dans un rire, Lloyd reprit son scalpel qu’il promena lentement sur le torse de son cadet. De sa main libre, il scruta la moindre parcelle de peau, paume contre le corps, tâchant de sentir chacun des vaisseaux sanguins. Le scalpel vint doucement faire une entaille plus ou moins profonde, laissant le sang s’égoutter contre le parquet. Gwendhal riait nerveusement, tremblant d’envie. La langue de Lloyd vint frétiller la plaie pour remonter jusqu’au torse, s’aventurant ensuite dans le cou du rouquin avant de plonger dans sa bouche entrouverte. Leur langoureux baiser sembla s’éterniser, Lloyd s’employant dans le même temps à effectuer de nouvelles entailles.

[…]

Faisant face au grand miroir, Gwendhal était toujours dénudé, observant les nombreuses marques sur son corps. Le sang avait séché et parsemait sa peau d’albâtre. Lloyd s’approcha, enlaçant de ses bras son frère. Il posa sa tête dans le creux de sa nuque. Tous deux se contemplèrent dans le reflet.

▬ Tu es d’une beauté exquise.
▬ Promets-moi qu’il n’y aura que moi.
▬ À jamais.

Gwendhal se retourna, leurs deux corps nus l’un contre l’autre. Il posa son front contre celui de son aîné, plongeant son regard vert dans le sien. Tout autour d’eux semblait figé. Le temps semblait s’arrêter. Ils ne percevaient plus aucun son. Plus rien n’avait d’importance. Ils n’étaient que deux êtres innocents, juvéniles, plein de vie, se cherchant. Qu’avaient-ils fait de mal ? Ils ne cherchaient qu’à se découvrir. La perte de leurs parents les avait rapprochés et tous deux se raccrochaient à l’autre. S’ils venaient à être séparés, ils en mourraient sûrement.

▬ Le grimoire explique-t-il comment nous lier ?
▬ Il doit sûrement exister une formule qui permet de nous lier jusqu’à la mort. Seulement… Si l’un de nous crève, l’autre succombera.
▬ Et alors ?
▬ Je… je ne sais pas.
▬ Tu doutes ? Ne suis-je pas celui en qui tu tiens le plus ?
▬ Bien sûr que si, Gwendhal. J’ai juste peur de te perdre.

Le rouquin entraîna Lloyd vers le lit, se laissant tomber dessus. Ils ne détachèrent pas leurs regards, tâchant de trouver réponse à toutes les questions qui trottaient dans leur tête. Leurs lèvres semblèrent se chercher quelques minutes, avant que Gwendhal ne succombe à l’envie de l’embrasser fougueusement.





Lentement, Gwendhal et Lloyd enfilaient leur trench-coat sombre en parfaite synchro, se fixant l’un et l’autre. D’un simple regard, ils pouvaient se comprendre, entendre leurs moindres pensées, cerner leurs moindres envies, percer tous les mystères de l’esprit. Leur relation était bien plus que fraternelle. Ils formaient un tout, ils étaient en symbiose. Jamais l’un sans l’autre. Cette situation étrange inquiétait fortement leurs parents adoptifs, trouvant particulièrement inappropriés certains de leurs comportements et de leurs gestes l’un envers l’autre.

Lloyd avait un regard qui en disait long. C’était certainement le plus dérangé des deux, bien que Gwendhal ne fût pas très loin pour agrémenter le tout d’une rasade de cruauté, de sadisme et de violence. Les deux frères avaient un esprit surdéveloppé, manigançant à tout va. Ils étaient extrêmement intelligents, au point de pouvoir berner n’importe quel idiot en face d’eux. Leurs plans complètement machiavéliques n’étaient certes jamais sans failles, mais leur duo était bien rôdé et il était difficile de les contrer, et encore moins de les comprendre. Deux esprits tourmentés pour deux garçons d’apparence angélique. Toutefois, lorsque Lloyd plongea son regard ténébreux dans celui de son cadet, il n’avait plus rien d’angélique. Il était dur, mystérieux et terrifiant.

▬ Où va-t-on, les gars ?
▬ C’est une surprise.

Lloyd était carrément taré. Et Gwendhal aimait ça.

▬ Passe devant, cousin.

Quand celui-ci passa le pas de la porte, Lloyd la referma et agrippa le col de Gwendhal de ses deux mains. Il l’attira violemment vers lui avant de l’embrasser à pleine bouche. Instinctivement, la main du rouquin glissa jusqu’à l’entrejambe de son aîné. Ils rirent et finirent par s’arrêter, sortant rejoindre leur cousin. Ils mirent simultanément leurs mains dans leurs poches et commencèrent à marcher.

L’hiver avait recouvert les plaines de son long manteau neigeux blanc. L’air était glacial et sec. Des volutes de fumée s’échappaient d’entre leurs lèvres alors qu’ils débutaient leur ascension vers l’endroit spécialement choisi par Lloyd pour l’occasion. Ce soir, du sang allait couler, abondamment.

Lorsqu’ils arrivèrent à l’entrée de la grotte, le cousin eut un mouvement de recul. Âgé de quinze ans, le pauvre avait l’habitude d’être effrayé par Gwendhal et Lloyd, âgés respectivement de dix-huit et dix-sept ans. Seulement, ce soir, c’était particulièrement horrifiant. La sensation de froid n’arrangeait rien et le gamin grelottait sous son bonnet gris à pompon. Lloyd le pressa d’entrer, lui assainant au passage une béquille dans la jambe droite. Jurant silencieusement, il finit par accepter et ouvrit la marche. Bientôt, ils se retrouvèrent tous trois au centre de la caverne, d’où trônait un autel en pierre. Gwendhal se mit à l’embouchure, comme pour empêcher quiconque de s’enfuir. Lloyd s’approcha doucement de son cousin, chipant son bonnet et découvrant son cou en prenant son châle.

▬ Déshabille-toi. Attendit-il. Allez là, tu veux pas que j’le fasse moi-même ?!

Restant de marbre face à cette situation, comme pour prouvé qu’il était à la hauteur, le cousin s’exécuta. Lentement, tout en promenant son regard sur chacun des frères Hewitt, il déboutonna son manteau en laine. Il le jeta aux pieds de Lloyd qui esquissa un sourire satisfait.

▬ Tu veux de l’homme ? Tu vas être servi.

Gwendhal éclata de rire. Il aimait bien son cousin. Il était drôle. Musclé aussi. Bien plus que les deux frangins. Ses origines hollandaises n’y étaient pas pour rien. Il avait le corps d’un jeune homme d’une vingtaine d’années alors qu’il en avait cinq de moins. C’en était fascinant. Le cousin entreprit ensuite de retirer ses bottes, puis ses chaussettes. Il tremblait, mais continuait sur la même lancée. Bientôt, son cardigan et son jean clair rejoignirent la pile de vêtements. Il était à présent en chemise et en caleçon.

▬ Et bah alors ?! On faiblit ? Tu devrais pas t’arrêter en si bon chemin.
▬ Putain il fait froid ! Se mit-il à gémir.
▬ T’es un homme ou non ? Sale tapette. Un crachat par terre accompagna les paroles de Lloyd.

Il n’en fallut pas plus pour que le cousin s’exécute. Extrêmement fier et macho, il n’était pas difficile de le convaincre de faire n’importe quoi quand on menaçait sa virilité. Il était réellement stupide, ce garçon. Doucement, il laissa glisser sa chemise ouverte sur son corps. Gwendhal le voyait sourire.

▬ Viens donc me retirer ce truc. Claironna-t-il à l’attention de Lloyd en montrant son caleçon.

Le brun lança un regard entendu à son frère Gwendhal et se dirigea vers son cousin. Lentement, il s’accroupit, et le roux put apercevoir l’expression satisfaite et moqueuse du cousin. Il se plaisait à soumettre Lloyd. Il pensait avoir les cartes en mains… Il se trompait totalement. Gwendhal croisa les bras et s’appuya contre la paroi rocheuse. Lloyd retira ses gants en cuir et promena ses doigts sur la peau endurcie par le froid des cuisses du cousin. D’un geste presque machinal, il pinça l’élastique du caleçon et le fit descendre jusqu’aux chevilles. Son regard exprimait la fascination. Il pencha la tête sur le côté, contemplant ces hanches robustes, aux veines apparentes, qui entouraient une toison dorée sauvage.

▬ Waow. Fut la seule expression vocale de Lloyd.
▬ T’as envie de la sucer, hein ? Espèce de fiotte. T’es pire qu’une femmelette. Vas-y, retourne-toi, je me ferai un plaisir de te pisser dessus après t’avoir sauvagement...

Il n’eut pas le temps de terminer que Gwendhal s’était approché et avait planté sa dague dans son flan.

▬ Ferme-la un peu. Tu fais chier, bordel.

Le cousin s’effondra de tout son long sur le sol dans un bruit sourd. Quelques minutes plus tard, il était allongé sur l’autel, sur le dos, son intimité explorée par les lèvres de Lloyd. Le cousin avait les yeux ouverts. Il n’était pas mort. Le poison sur la lame n’avait fait que le paralyser entièrement. Il était donc totalement conscient et ressentait les sensations.

▬ Dégage de là, putain. Tu le touches encore une seule fois ici, et j’te jure qu’on arrête tout. C’est clair ? J’t’ai déjà dit que tu touchais personne d’autre que moi. Gwendhal avait agrippé son frère par le col. Il le relâcha quand celui-ci leva les mains en guise d’excuses.
▬ Pardonne-moi, mon amour. Son regard semblait sincère.

Au final, les mains osseuses de Gwendhal et Lloyd caressèrent la peau rendue dure par la température du cousin. Devenant nerveuses, elles pétrirent avec vigueur tout ce qui était à prendre, à commencer par les muscles prononcés. Le manège continua de longues minutes durant lesquelles les deux frères s’employaient à réchauffer la chair et le sang. Quand l’affaire fut faite, Lloyd s’empara de son scalpel habituel – qu’il n’avait pas pris la peine de nettoyer depuis ses expériences sur les rats du grenier – et s’évertua à trancher la peau aux endroits où les veines étaient les plus apparentes. Le sang se mit à jaillir de tous les côtés, en petite quantité. C’était trop peu pour que le cousin ne meure sur le coup, mais bien assez pour lui infliger de terribles souffrances et un profond malaise. Gwendhal plongea sa main dans sa besace et en sortit leur grimoire. Il l’ouvrit d’un coup précis de la main à l’endroit prévu, comme s’il connaissait les pages par cœur. Il commença à réciter la formule. Quelques secondes plus tard, Lloyd prit le relai. Le rituel dura ainsi une heure.

On ne retrouva jamais le corps du cousin, sûrement dévoré par les loups ou les charognards là où ils l’avaient abandonné.





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Des cris stridents. Des bruits de portes qui claquent. Le vent qui souffle à nouveau sur les plaines. Des pleurs. Les oiseaux qui hurlent près de la mer. Pourtant, une heure avant, tout était calme. Une heure avant, Gwendhal et Lloyd étaient tranquillement assis sur le sofa, face à la cheminée. L’on n’entendait que le sifflement du vent dans les rainures des fenêtres. Que les flammes qui crépitaient. Que la bouilloire en ébullition dans la cuisine. Que la sonnerie du four qui annonçait l’arrivée imminente de petits gâteaux. Jusqu’à ce que Lloyd se décide à l’ouvrir. Jusqu’à ce que Gwendhal demande au père de se la fermer. Jusqu’à ce que Gabrielle se mette à pleurer.

▬ On part. Pas la peine de nous retenir. Inutile de nous chercher. On a pas notre place ici.
▬ On l’a jamais eue. C’est fini.
▬ On en a marre du tableau parfait. Vous y faites tâches.
▬ Vous savez tout aussi bien que nous que ce départ sera bénéfique pour tout le monde.
▬ Rappelez-vous toutes ces choses que vous essayez d’enterrer au plus profond de vous-mêmes au court de ces années…
▬ Le chiot, la taxidermie, les os, les bocaux de formole, le grimoire…
▬ Le cousin.

La bombe était lâchée. Le père se leva lentement, pris de tremblements.

▬ Vous… Fulminait-il, l’index pointé vers Lloyd. Vous êtes des monstres.

Gwendhal et Lloyd s’étaient levés simultanément. De sous la table de la salle à manger, Gwendhal décrocha le fusil de chasse qu’il avait dissimulé la veille au soir, pendant que Lloyd s’affairait à ouvrir le coffre décoratif pour y sortir deux gros sacs. Il y fourra divers conserves et objets planqués dans les placards et dans les meubles. Cela faisait une semaine qu’ils préparaient leur fuite. Tout était planifié, rien n’aurait pu les arrêter.

▬ Je pense qu’il serait excessif de vous dire qu’il vous est interdit d’appeler les flics ou de nous suivre quelque part. Ce sera mieux pour chacun de nous. Sinon, on reviendra terminer le boulot… Annonça le rouquin en tapotant le fusil de chasse. Allez, on se tire.

Dix minutes plus tard, Gwendhal était au volant de la voiture. Ils s’arrêtèrent après une heure de route pour louer un nouveau véhicule. Ils prirent soin d’effacer toutes traces ADN de la voiture familiale et ils l’abandonnèrent sur un parking. Roulant ensuite à bord d’une Cadillac décapotée, les deux frères allaient rejoindre la Nouvelle-Salem, ville de leur naissance, là où leurs parents avaient commencé leur vie de couple.