chapitre un: a river flows in you

« Félicitations, c'est une magnifique petite fille. » L'infirmière tenait en ses bras un magnifique nourrisson de deux kilos dix. Une petite fille en parfaite santé, qui faisait la fierté de ses parents. Hannah c'est ainsi qu'ils la nommèrent. Hannah Jules. La jeune mère prit l'enfant dans ses bras et la contempla pendant un long moment, tellement émerveillée par ce petit-être si parfait, mais pourtant si fragile. Le nouveau-né plongea ses yeux bleus azur dans ceux de sa mère avant de sourire et de rire.
A sa naissance, la jeune Jules ne pleura pas, inquiétant les médecins mais illuminant et réchauffant le cœur de ses parents.

« Jules, ton père n'aime pas attendre ! »
« J'arrive maman. Le temps d'attraper mon sac et... »
La jeune fille attrapa son sac en bandoulière et dégringola les escaliers à toute vitesse avant d'embrasser sa mère sur la joue « ... me voilà ! ». Jules monta dans la voiture de son père, un énorme sourire aux lèvres et impatiente de commencer ses cours de gymnastique.
Le club de gymnastique de Stonehaven était minuscule comparé à celui des grandes villes alentours mais offrait les meilleurs cours de la région.
Depuis toute petite, Jules savait qu'elle voulait pratiquer la gymnastique et qu'elle voulait en faire son métier plus tard. Déjà, sa ténacité et son côté ambitieux ressortaient chez elle alors qu'elle n'était âgée que de cinq ans. Sa souplesse et son agilité lui avaient toujours permis de réaliser de grandes choses, et elle comptait bien continuer dans cette voix là. Les études ne l'intéressaient déjà pas beaucoup à cette époque là et cela n'allait pas s'arranger au fur et à mesure des années.

« Papa, aujourd'hui j'ai réussi un double arrière. » dit la petite fille un énorme sourire aux lèvres, fière de ses prouesses.
« C'est magnifique ma chérie. Je suis fière de toi, et un jour tu deviendras une très grande sorcière, comme toute ta famille avant toi. »
Une sorcière. Jules l'avait toujours su, elle était une sorcière tout comme ses parents et son frère. Petite déjà elle aimait ce statut et s'en amusait même si elle ne s'en vantait pas et si ses pouvoirs n'étaient pas encore apparu. Elle comptait bien devenir la fierté de ses parents, à n'importe quel prix.

« Jules, Anthony, vous allez bientôt avoir une petite soeur. »
« Oh Chouette ! Une copine ! »
« Magnifique, une deuxième chieuse ! »
Elizabeth Kingsley dévisagea son fils avant de retourner son sourire envers sa fille cadette. Elle avait toujours voulu fonder une grande famille, une famille puissante, soudée et aimante, contrairement à ce que fut la sienne.
« Nous serons une famille très unie, je vous le promets. »
A l'époque, Elizabeth était loin de se doutait à quel point ces mots allaient se révéler faux dans les quelques années à venir.

chapitre deux: kiss the rain

C'était une journée brumeuse et la pluie tombait à flot lorsque l'improbable se produisit. Jules tenait toujours la main de sa petite soeur, glacée et pâle, tout en pleurant à chaudes larmes. Charlotte venait de mourir, après des années de batailles contre le cancer. Elle venait de céder, la maladie l'avait finalement emporté, elle avait gagné. Jules refusait d'y croire, elle refusait de la laisser partir, elle, sa petite soeur.
« Tu n'as pas le droit de m'abandonner Charlotte. J'ai besoin de toi ... »
« Elle est partie Jules, laisse-la partir. Elle a le droit au repos maintenant, elle n'aurait pas voulu que tu t’apitoies sur son sort. »
Anthony du quasiment tirer sa soeur du corps de Charlotte tant elle y était aggripée et l'enlaça pour la calmer. Jules continua de pleurer des jours durant, incapable de se remettre de cette perte brutale. Ses parents furent incapables de la consoler, tout comme son frère, qui tenta par bien des moyens de lui rendre sa bonne humeur d'antan, en vain. La mort de Charlotte entraîna un voile de morosité et de tristesse sur la famille Kingsley-Ward durant des mois et créant des tensions entre chaque membre de la famille. Jules se renferma sur elle-même et devint l'extrême opposé de ce qu'elle était auparavant, autrement dit une adolescente froide, hautaine et solitaire. Bien loin de la gamine souriante, chaleureuse et affectueuse.

Pendant un certain temps, Jules renia la magie et ses origines, car pour elle la magie l'avait trahi et n'avait pas été capable de sauver sa soeur, un être innocent. Ses parents firent tout pour la faire changer d'avis mais elle resta dans sa bulle et dans cette optique d'anti-magie pendant un an, refusant même qu'on en parle ou qu'on la pratique devant ses yeux, encore traumatisé par les récents événements. C'est aussi à cette époque que Jules devint végétarienne, incapable de se nourrir d'êtres-vivants inoffensifs.

A ses treize ans, la famille déménagea à Hillsboro, dans le Kansas, aux États-Unis, histoire de s'éloigner de cette vie et de tirer un trait sur les récents évènements. Étrangement, c'est à cette époque là que Jules commença à oublier ce pourquoi elle était triste et à sortir de la bulle qu'elle s'était construite tout ce temps. Elle se rapprocha de son frère et noua avec lui une relation bien plus que fraternelle. Les États-Unis plurent à Jules bien plus qu'elle ne l'aurait cru, même si son Écosse natal lui manquait chaque jour. Et elle prit l'accent bien plus rapidement que les autres membres de sa famille.

Peu à peu, Jules finit par son deuil et par dire au revoir à sa soeur. Elle ne tint plus la Magie pour responsable et accepta de la pratiquer de nouveau et d'entendre ses parents en parler et lui donner des cours.

chapitre trois: run

« Dis-moi Tony c'est quand la dernière fois que tu as eu vraiment peur ? »
« Je n'ai jamais cessé d'avoir peur Jules. Jamais ! »
La famille Kingsley-Ward venait d'être séparé à jamais, bien plus qu'elle n'aurait jamais pu croire ou craindre. Deux membres fondateurs s'étaient envolés, du jour au lendemain.

" J'ai peur. Papa et maman sont morts, notre maison a brûlé et Anthony et moi ignorons où aller. Hier encore nous étions encore tous les quatre et nous vivions heureux et insouciants. Et aujourd'hui voilà qu'ils sont partis. J'ai l'impression que c'est cette insouciance qui leur aura coûté la vie. Je sais très bien pourquoi la maison a brûlé même si l'enquête a conduit à un accident. Ca n'avait rien d'un accident. Tout cela était prémédité mais comment leur faire comprendre cela sans tout révéler ? Ils nous prendraient pour des fous et je préfère encore mener moi-même l'enquête et obtenir vengeance que de faire confiance une seule seconde à ces imbéciles des forces de l'ordre qui se croit tout permis. La maison a brûlé et a tué mes parents à cause de ce que nous étions, du moins c'est ce dont j'ai fini par me persuader. Nous n'aurions jamais dû quitter l'Ecosse, mais j'ai comme l'impression que nous ne sommesn en sécurité nulle part. Anthony a suggéré que nous partions pour New-Salem, une île situé dans le Nord, dans le Massachussets. Pourquoi ? Je n'en ai aucune idée et je ne vais pas chercher les raisons qui ont poussé mon frère à vouloir s'installer là-bas. Je n'ai rien contre, on y sera toujours mieux qu'ici. Mais est-on condamné à fuir pour toujours ? Je n'en ai nullement envie. Je ne suis pas le genre de filles qui espèrent une vie planifiée à l'avance; des enfants, un mari aimant et sincère et une vie heureuse et ennuyante à souhait. J'ai besoin d'action et de vivre de nouvelles expériences. Cependant, comme tout le monde, je ne trouve pas la perspective de se faire poursuivre très réjouissante. En y repensant, je me dis que mon frère et moi avons été chanceux de ne pas nous trouver dans la maison quand l'incendie a commencé. Mais je regrette à présent qu'ils aient péri sans nous. Espérons qu cette nouvelle vie à New-Salem soit meilleure que toutes celles auparavant... "

Jules posa le style sur la table et referma son journal, une larme roulant sur sa joue. Elle savait qu'elle s'en voudrait pour cette tragédie tout comme celle de sa soeur. Mais elle devait aller de l'avant et espérer qu'une vie meilleure l'attendait dans le Massachusetts. Son frère et elle allaient vivre ensemble et faire table rase du passé, tout en faisant profil bas le plus possible.

" Anthony et moi sommes à New-Salem depuis deux semaines. C'est aussi grand que Hillsboro et Stonehaven, en gros pas très grand. Mais j'ai toujours aimé les petites villes, c'est plus convivial. Je sens que je vais m'y plaire. J'ai vu qu'il y avait un club de gymnastique au lycée de la ville, un bon point. Anthony vient d'y être embauché en tant que professeur de mathématiques et j'avoue que la perspective d'avoir mon frère comme professeur me fait un peu rire. Les gens ici ont l'air étrange, mais ils ne peuvent pas être pire que moi. Mon frère n'aime pas celle que je suis devenue. Toutes ces tragédies ont changé mon point de vue sur le monde et ma façon de penser. J'aime celle que je suis devenue même si pour beaucoup ce n'est qu'une façade. Peut-être qu'ils ont raison, peut-être pas. En réalité je n'en sais rien. Je suis une manipulatrice froide, hautaine, et impassible. Les gens m'aiment pour ce que je suis ou non, je m'en moque. La vie s'est montré trop dure pour moi et il m'ait impossible de faire demi-tour... "


Cela fait deux ans qu'Anthony et Jules ont emménagé à Nouvelle-Salem. Jules s'y sent comme un poisson dans l'eau, elle qui craignait de mal s'y insérer. Elle a même repris goût aux cours et se plait dans son club de gym et est même devenue rédactrice en chef du journal du lycée, une activité qui lui plait assez bien. Bien sûr elle n'est pas populaire ni la fille parfaitement stéréotypée que l'on voit dans les films bien sous tous rapports, loin de là, mais elle s'en moque éperdument. Elle préfère vivre la vie comme elle l'entend. Elle et son frère font toujours attention et la plaie ouverte il y a deux de cela n'est pas encore prête à se refermer.